Une bonne gestion, c’est de couper des arbres puis de replanter ?

Faux.

Cette idée, solidement ancrée dans l’opinion publique, arrange bien les partisans d’une gestion industrielle de la forêt. Voici pourquoi.

La forêt est un écosystème : elle n’a pas besoin de l’Homme pour se renouveler

Contrairement à un champ, une forêt n’a pas besoin de l’action humaine pour se perpétrer : c’est un écosystème autonome. Une sylviculture respectueuse de l’écosystème cherche à s’inspirer des fonctionnements naturels pour guider la production de bois : lorsqu’un grand arbre arrive à l’âge d’être exploité, sa coupe ouvre un puits de lumière et permet aux jeunes pousses du sous-bois de prendre le relai, ou à d’autres arbres d’accéder à la canopée. Lorsque l’écosystème est fonctionnel, nul besoin de planter des arbres. Lorsque le forestier doit planter, c’est parce qu’il considère que la régénération naturelle n’est pas suffisante en quantité ou en qualité.

Les monocultures d’arbres ne sont pas des forêts

Le modèle de gestion forestière s’appuyant sur les écosystèmes fait face à un autre modèle, imitant celui de l’agriculture intensive, et basé sur des cycles de plantations et de coupes rases. La confusion entre une monoculture d’arbres plantés et une forêt a toujours été entretenue dans la définition même de ce qu’est une forêt, alors qu’elle témoigne de fonctionnements très différents. Comme le montre notre enquête, l’adaptation des forêts au changement climatique est instrumentalisée pour promouvoir une adaptation des forêts aux besoins de l’industrie, qui recherche en priorité du bois de résineux.

La juste place des plantations

Comme nous l’expliquons dans une tribune que nous avons coordonné avec plus de 600 scientifiques et acteurs de la filière forêt-bois, l’accent mis sur la plantation d’arbres est un moyen de se détourner du principal enjeu : “une stratégie d’adaptation prometteuse et efficace est d’abord d’essayer d’accompagner et d’améliorer les peuplements en place à chaque fois que cela est possible. Cette approche, certes plus technique, propose entre autres de maintenir au maximum le couvert forestier et son sous-bois, d’enrichir et de diversifier les peuplements considérés pauvres d’un point de vue productif, mais qui fournissent d’autres services, ceux qui sont homogènes ou monospécifiques, et d’accentuer les mesures de protection des sols qui sont indispensables à la durabilité de l’écosystème forestier.”

Selon le Département Santé Forêt, 29% des nouvelles plantations ont échoué en 2020. Un taux record en progression depuis plusieurs années : par exemple, le taux de mortalité annuel des plants de douglas est passé de 8% sur la période 2010-2014 à 14% sur la période 2015-2019. Près de 90% de la mortalité des plants s’explique par des facteurs climatiques comme les fortes sécheresses estivales, dont les effets sont accentués par l’exposition en pleine lumière des sols après une coupe rase.
Une stratégie efficace d’adaptation des forêts aux changements climatiques pourrait-être de combiner les avantages des plantations et de la régénération naturelle. En pratique, il s’agit de laisser s’exprimer les dynamiques naturelles et de venir enrichir le peuplement existant avec des petites plantations dans les trouées qui bénéficient ainsi de la protection de l’ambiance forestière.

Photo Stop Jean Luc Pillard
Je veux un vrai débat sur l’avenir de notre forêt !